octobre 2003

La nouvelle constitution roumaine

Les travaux de révision de la Constitution arrivent à leur fin, une année après le démarrage des procédures parlementaires de modification de la loi fondamentale. Les 18 et 19 octobre prochains, un référendum invitera les citoyens roumains à donner leur avis sur ces modifications. On ne peut pas dire que les changements soient révolutionnaires. La Roumanie garde son statut de république semi-présidentielle dans laquelle le président est élu au suffrage universel et endosse le rôle de médiateur entre les divers organismes du pouvoir. L’exécutif peut se substituer, de façon permanente, au parlement et émettre pratiquement de façon inconditionnelle des ordonnances d’urgence.
La principale raison pour laquelle cette réforme a été décidée réside dans la nécessité d’adapter une constitution vieillissante aux textes rigoureux de l’OTAN et de l’UE. Tous les partis parlementaires - PSD, PD, PNL, UDMR et, en moindre mesure, le PRM - étaient d’accord pour que cette révision soit faite. L’objectif de modernisation de la loi fondamentale a été atteint, soutiennent les représentants des partis parlementaires, mais de nombreux autres problèmes restent à résoudre. Beaucoup de propositions de réforme ont été bloquées car chaque article devait être approuvé par les 2/3 des parlementaires.

Un Parlement à deux chambres est un frein pour l’adoption des lois
Une des réformes les plus significatives aurait du être la définition stricte des attributions de chacune des deux Chambres. Les Libéraux avaient proposé des attributions exclusivement législatives pour la Chambre des Députés et un rôle " pondérateur " pour le Sénat, lequel aurait ratifié les traités internationaux et nommé les dignitaires. Le PSD, en session plénière, a repoussé cette proposition, invoquant que le système actuel à deux Chambres légiférant successivement apporte une garantie supplémentaire de contrôle des projets de lois.

Les mutants politiques sont toujours là _ Le problème de la migration politique n’a pas non plus été résolu, le PD mettant comme condition de son vote la fin du ballet des parlementaires. Là encore, le PSD s’est opposé, arguant que la perte du mandat pour un parlementaire démissionnaire du parti sur la liste duquel il a été élu, encouragerait l’hypocrisie. Durant la législation actuelle, 13 parlementaires ont changé de parti, les plus nombreux étant attirés par les formations au pouvoir.

L’immunité quelque peu écornée_ Les députés et sénateurs seront toujours protégés par l’immunité parlementaire. Ils ne pourront pas être arrêtés ou retenus, on ne pourra pas effectuer de perquisition à leur domicile sans l’acceptation de leurs collègues. Le seul changement positif par rapport à la constitution actuelle est le fait qu’un parlementaire pourra être mis en examen et poursuivi pour infraction sans qu’on soit obligé de lever son immunité parlementaire. Ceci signifie que, pour un accident de la circulation, par exemple, un député pourra être jugé sans que la Chambre législative dont il fait partie ait à se prononcer
Le nombre total de parlementaires reste inchangé même si un sondage d’opinion montre que 84 % des personnes interrogées considèrent ce nombre exagérément élevé. Les débats sur la révision de la Constitution ont laissé ce point pour une future loi électorale.

Liberté d’émission d’ordonnances d’urgence
La possibilité de l’Exécutif d’émettre des ordonnances d’urgence n’a pas été limitée, même si tous les gouvernements depuis 1989 ont largement abusé de cette prérogative. L’UE a d’ailleurs critiqué ces interférences continuelles de l’Exécutif dans le domaine législatif. Lors de la révision de la Constitution, le PD a demandé que l’émission d’une ordonnance d’urgence ne soit utilisée par l’Exécutif qu’en cas de catastrophe, guerre, état d’urgence, tremblement de terre ou inondations. Le PSD s’est opposé à cet amendement en rétorquant que le gouvernement pouvait en toute circonstance déclarer l’état d’urgence, donc émettre des ordonnances du même nom à n’importe quelle occasion.

Le président ne pourra plus révoquer le premier ministre_ Conséquence de la volonté d’Adrian Nastase de provoquer des élections anticipées, l’opposition a bloqué l’article se référant à la procédure de dissolution du parlement. La procédure de dissolution reste donc inchangée bien qu’elle suppose des modalités très compliquées en cas de crise gouvernementale. De plus les parlementaires ont restreint les pouvoirs du président qui ne pourra plus révoquer le premier ministre. Les partis sont tombés d’accord sur ce point invoquant le fait que le gouvernement n’est responsable de sa politique qu’envers le parlement. Dans ces conditions, le premier ministre ne pourra être destitué qu’après l’adoption d’une motion de censure ou à l’occasion d’un remaniement ministériel. Ce texte avait été introduit en 1998 lorsque Emil Constantinescu a destitué Radu Vasile, même s’il n’est pas clairement mentionné dans la Constitution.
Le seul changement important dans le domaine institutionnel a été le prolongement du mandat présidentiel de 4 à 5 ans. De cette façon à partir de 2008 les élections présidentielles seront décalées par rapport aux législatives. Cet article rend plus clair le partage entre les pouvoirs exécutif et législatif. Le candidat à la présidence n’aura plus le rôle de " locomotive " pouvant faire basculer le résultat des élections vers le parti politique auquel il appartient.

Prison préventive sur décision d’un juge
La nouvelle Constitution présente tout de même certains aspects positifs visant les droits du citoyen.
Après 12 années de discutions, le PSD a fini par accepter que la garantie de la propriété privée soit inscrite dans la Loi fondamentale, comme l’indique l’article suivant de la Constitution modifiée : " La propriété privée est inviolable, dans les conditions établies par la loi ".
Le fait de placer quelqu’un en prison préventive exigera désormais un mandat signé par un juge et non plus par un procureur comme jusqu’à maintenant. Cette exigence était l’une de celles formulées par l’UE du fait qu’un juge est un magistrat indépendant alors qu’un procureur est subordonné à l’Exécutif.

Les citoyens étrangers pourront acheter des terrains en Roumanie
Les citoyens des états membres de l’UE pourront désormais acquérir des terrains en Roumanie. Ils pourront accéder au droit à la propriété de terrains, dans les conditions résultant de l’adhésion de la Roumanie à l’UE et grâce à la signature de certains traités internationaux signés également par la Roumanie.

Les citoyens de l’UE auront le droit de voter et d’être élus pouvant occuper des fonctions dans l’administration locale.
Une des plus âpres discussions a eu pour sujet le droit pour les citoyens relevant de minorités ethniques de pouvoir s’exprimer dans leur langue maternelle lors de comparutions devant la justice. Après l’opposition du PRM et celle d’une partie du PSD, les représentants de l’UDMR ont réussi à introduire ce droit dans la nouvelle Constitution.

Service militaire obligatoire
La nouvelle Constitution ne présente plus le service militaire comme obligatoire. Les législateurs ont pris cette décision en fonction de l’adhésion de la Roumanie à l’OTAN et donc à une armée professionnelle. La question sera tout de même réglementée par une loi organique ce qui permettrait à l’armée et à la gendarmerie d’assurer les effectifs indispensables.
[R.S.]

[Roumanie.com]

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