Sur la tombe de Nicolae Ceausescu il y a trois croix : l’une en fer, qui a été la première installée, simple et pas chère, une autre en marbre, montée en 1996 par le Parti ouvrier roumain, et la dernière, installée en 2002 par un mystérieux "groupe d’initiative chrétien", étant la plus chère (1000 dollars). Cette dernière croix porte sur son socle une inscription : "Une larme sur ta tombe, de la part du peuple roumain".
Ces trois croix sont un témoignage pour mesurer l’évolution de la mémoire sociale de l’ancien leader communiste comme le feraient des couches archéologiques : au début une croix solitaire, sobre, sans relief, apolitique, humaniste, la suivante plus expansive, s’assumant et s’exprimant visiblement, d’une manière partisane, protestataire, passéiste, enfin, la dernière "nationale", "chrétienne".
Dès 1998, on a pu constater que les personnes nostalgiques ne constituent pas une minorité facile à ignorer, mais au contraire une minorité difficilement acceptable au niveau officiel, difficile à classer et à gérer politiquement. Tous les ans, à l’occasion du 25 décembre (jour de la mort de Ceausescu) et du 26 janvier (jour de son anniversaire) de timides manifestations commémoratives dans le cimetière Ghencea réunissent des gens qui ne sont pas gâtés par le sort, jadis de petits privilégiés du communisme, ou des politiciens marginaux qui en imitant les gestes du dictateur, espèrent transformer sa tombe en tremplin pour leur entrée dans la grande politique.
[Source : extrait de Evenimentul Zilei]